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Le roi perçut le bruit qu’ils faisaient en sortant ; le son cadencé de leurs pas qui s’éloignaient arriva jusqu’à ses oreilles. Puis il y eut un silence morne, profond, terrible.

Au bout d’un quart d’heure, qui lui parut un siècle, les pas et les voix se rapprochèrent. Un nouveau bruit se mariait maintenant à ceux qu’il avait déjà entendus. Il écouta. C’était comme le piétinement d’un cheval. Hendon disait :

— Non, je ne veux, je ne puis rester ici. Il se sera perdu dans la forêt. Par où a-t-il pris en sortant ? Vite, montre-moi.

— Il… J’accompagne Votre Seigneurie.

— Soit. Tu es meilleur que tu ne le parais, saint homme. Qu’aimes-tu mieux ? Aller à pied ou monter sur cet âne que je destine à l’enfant, ou enfourcher ce mulet, indigne de porter un archange, et que je m’étais réservé, quoique j’aie été trompé par l’homme qui me l’a vendu ?

— Garde le mulet et l’âne. J’aurais peur d’être jeté à terre. Je préfère marcher.

— Soit. Tiens la bride de l’âne pendant que je me mettrai en selle.

Alors il y eut un mélange confus de sons qui paraissaient produits par des cris, des coups, des braiments, des ruades, des jurons, des menaces adressées à la bête rétive, puis le silence se rétablit, la lutte sembla finie : le cavalier avait maîtrisé sa monture.

Pendant ce temps, l’infortuné Édouard VI gisait dans la hutte du Juif, en proie à une souffrance plus poignante qu’une longue agonie, le corps paralysé, semblable à un homme descendu vivant dans une tombe, ayant tous ses sens, et terrifié à la pensée de l’irrémédiable abandon où le plongeait l’éloignement,