Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Un homme, c’est possible, mais je ne suis pas un homme.

— Tu n’es pas un homme, toi ! Qu’es-tu alors, au nom du Ciel ?

— C’est un secret — ne le dis à personne — je suis un archange !

Tout à coup Miles Hendon eut une exclamation intraduisible.

— Quoi ! Qu’entends-je ?…

Le pauvre roi tremblait d’effroi et d’espérance. Il avait rassemblé toutes les forces de ses poumons pour pousser un cri, suppliant Dieu de laisser parvenir ce cri aux oreilles de Hendon, et ne pouvant, quoi qu’il fît, réussir dans cette suprême tentative. Il venait d’épuiser son énergie, au moment même où l’ermite répondait :

— Ce que vous entendez ? Rien. Le bruit du vent peut-être.

— Le bruit du vent ? C’est étrange. Pourtant, il se peut que tu dises vrai. Le vent souffle en effet avec rage cette nuit, et… Ah ! voici encore ces sons étouffés… Non, tu mens. Ce n’est pas le vent… On dirait une plainte… Je veux savoir ce que c’est.

Le roi entendait tout ce qui se disait. Il déployait toute la puissance de ses muscles, il tendait les ressorts de ses mâchoires, mais sa poitrine soulevée ne laissait passer qu’un faible souffle par ses lèvres, et ce souffle, la peau de mouton jetée sur lui l’étouffait.

Il sentit son âme se briser quand l’ermite dit :

— Cela vient du dehors, sans doute ; des taillis, j’imagine. Votre Seigneurie veut-elle que je la conduise jusque-là ?