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CHAPITRE XXI.

LA RESCOUSSE.


Pas à pas, le corps ramassé sur lui-même, le doigt sur la bouche, semblable à un voleur qui vient de faire un mauvais coup, l’ermite arriva jusqu’au banc de bois, où il s’assit, à moitié enveloppé dans l’ombre produite par la lumière vacillante. Ses yeux ne cessaient de se fixer sur l’enfant endormi. Il le guettait, laissant patiemment s’écouler le temps. Il avait repris son couteau et l’aiguisait avec plus de calme encore qu’auparavant. Il avait de petits rires étouffés, il paraissait marmotter une prière. À voir son attitude et son aspect, on eût dit une de ces monstrueuses araignées, qui épient et dévorent du regard le pauvre et innocent insecte, enroulé sans défense dans les fils de leur toile.

Le Juif resta longtemps ainsi. Plongé dans ses réflexions, replié sur le cercle affreux des mêmes pensées, il semblait s’être soustrait à la terre. Ses yeux avaient maintenant l’éclat de l’acier. Il les clouait sur le roi.

Tout à coup il eut un soubresaut : l’enfant s’était éveillé, et, les paupières démesurément ouvertes, regardait avec horreur le couteau.

L’ermite se mit à rire du rire effrayant de la folie, mais il ne changea point de position.