Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.

place, tantôt les retirant au moment même où la corde s’enroulait autour de son poignet.

Impatient, nerveux, le Juif brûlait d’en finir. Le hasard le servit alors qu’il commençait à désespérer : l’enfant avait de lui-même joint les mains.

Les yeux farouches de l’ermite lancèrent des éclairs.

Une minute après, le roi était garrotté.

Le Juif passa un bandage sous le menton de l’enfant, ramena les deux bouts sur le sommet de la tête et les noua.

Il allait lentement, doucement, prudemment, serrant les nœuds petit à petit.

L’enfant dormait toujours.

Quand l’ermite fut bien convaincu que les liens étaient solides, qu’aucun effort du roi ne pourrait les rompre, il se releva, et croisant les bras sur sa poitrine, la tête rejetée en arrière, les yeux pleins de flamme, l’air inspiré, il prononça avec un accent prophétique ces paroles de la Genèse :

« Et Lemec dit à Hada et à Tsilla, ses femmes : Femmes de Lemec, entendez ma voix, écoutez ma parole ; je tuerai un homme si je suis blessé ; même un jeune homme si je suis meurtri[1]. »

Puis il marcha à reculons, couvant l’enfant du regard, comme le tigre qui savoure son triomphe avant de s’élancer sur sa proie.

  1. Genèse, iv, 23.