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borda, le caressa, lui souhaita d’heureux rêves et se retira.

Quand il fut rentré dans la grande pièce, il alla s’asseoir devant le feu, qu’il tisonna inconsciemment.

Tout d’un coup il suspendit ses mouvements. Ses yeux étaient hagards. Il se frappa le front du bout des doigts à plusieurs reprises, comme s’il eût voulu se rappeler un fait qui lui échappait. Son trouble trahissait son insuccès. Il se leva vivement, pénétra dans la chambre de l’enfant, le secoua par le bras pour le réveiller et lui dit brusquement :

— Tu es le roi ?

L’enfant, encore somnolent, répondit :

— Oui.

— Le roi d’où ?

— D’Angleterre.

— D’Angleterre ! Alors Henri n’est plus ?

— Hélas ! Je suis son fils.

Le visage de l’ermite s’assombrit. Ses traits se contractèrent. Ses mains osseuses se crispèrent. Il resta quelques instants sans parole, comme s’il eût été près de suffoquer, puis d’une voix sifflante :

— Sais-tu, dit-il, qui a renversé le temple, qui nous a chassés de nos demeures, qui nous a dispersés ?

Il ne reçut point de réponse : l’enfant s’était rendormi.

Il se pencha sur lui et contempla son visage serein et placide.

— Il dort, dit-il, il dort profondément !

Le froncement de ses sourcils fit place à une expression de joie féroce.

Un sourire semblait flotter sur les traits de l’enfant.