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tinrent éveillé ; mais, à la fin, ses pensées allant à la dérive l’entraînèrent dans des pays lointains et chimériques, et il s’endormit en compagnie d’une foule de petits princes couverts d’or et de pierreries, habitant de vastes palais, et servis par des domestiques qui se répandaient en salamalecs ou partaient comme des flèches, au premier ordre donné. Puis il rêva, comme toujours, qu’il était lui-même un prince.

Toute la nuit, la gloire et la magnificence de sa condition royale éclatèrent autour de lui ; il marchait, parmi les grands lords du royaume et les dames les plus illustres, dans un flot de lumière, respirant les parfums les plus suaves, bercé par la plus ravissante musique, accueillant les hommages et les marques d’obéissance de cette foule brillante qui s’ouvrait pour lui livrer passage, et répondant à ceux-ci par un sourire, à ceux-là par un mouvement presque imperceptible de sa tête princière.

Puis, quand il s’éveilla à la pointe du jour, quand il vit son abjection, sa misère sordide, il eut horreur de la réalité, de son entourage, de sa saleté ; son cœur brisé s’abreuva d’amertume, et il fondit en larmes.