Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/187

Cette page a été validée par deux contributeurs.

disait que, dans ce désert sans fin, il ne trouverait ni secours, ni aliments.

Il allait devant lui, trébuchant à chaque pas, mourant de frayeur à chaque sensation nouvelle, poussé par le besoin, et sentant ses genoux fléchir, son cœur se serrer d’épouvante, toutes les fois qu’une feuille morte tombait d’un arbre, ou que le vent, entrechoquant les branches, imitait l’intonation lugubre de gens qui s’interrogent tout bas.

Tout à coup il vit briller la lumière roussâtre d’une lanterne. Il se recula avec terreur et se dissimula dans l’ombre. Puis il attendit.

La lanterne se trouvait près de la porte ouverte d’une grange. Le roi demeura quelque temps immobile. Il n’entendit et ne vit rien. Il avait froid, et son immobilité même contribuait à le glacer davantage. Il se demandait ce qu’il avait à faire. La grange lui paraissait si hospitalière, elle lui offrait tant de séductions, qu’à la fin il se hasarda à y pénétrer. Doucement, furtivement, comme eût fait un voleur, il se glissa jusqu’à la porte d’entrée.

Il allait franchir le seuil, quand il perçut derrière lui le bruit de plusieurs voix. Il avisa un tonneau qui se trouvait à l’intérieur de la grange, se cacha derrière cet abri, et se baissa.

Deux valets de ferme le suivaient sur les talons.

L’un d’eux avait pris la lanterne pour s’éclairer. Arrivés dans la grange, ils se mirent à la besogne, tout en continuant leur conversation. Pendant qu’ils allaient et venaient avec la lanterne, le roi les surveillait attentivement. En même temps il passait en revue l’intérieur de la grange. Il découvrit tout au bout un compartiment réservé pour les chevaux ou les bœufs, et il se promit d’inspecter cet endroit de plus près