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avinées, veules, creuses ou tonnantes, qui faisaient trembler les poutres de la grange.

Le chant terminé, les conversations s’engagèrent, non dans la langue verte des voleurs, dont on ne se servait qu’en cas de danger d’être entendu par des oreilles indiscrètes, mais en anglais assez bon pour que le roi pût comprendre tout ce qui se disait. Il n’eut point de peine à se convaincre que John Hobbs n’était pas tout à fait une recrue, mais que ses états de service dataient déjà de quelque temps.

Le gredin contait avec une certaine emphase toute l’histoire qui lui était arrivée, et comment il avait tué un homme « par accident ». Cette narration obtint un grand succès, surtout lorsqu’il eut ajouté que l’homme tué était un prêtre. On but à la ronde pour célébrer ce haut fait ; chacun se piqua d’honneur pour complimenter le héros. Les vieux camarades de l’assassin se jetèrent à son cou, les nouveaux lui serrèrent la main avec effusion. On se montra étonné de n’avoir pas eu de ses nouvelles, depuis tout un temps.

— On est, dit-il, mieux à Londres que partout ailleurs ; on y vit plus en sûreté, grâce à la sévérité des lois qui sont rigoureusement exécutées. Sans cet accident, j’y serais encore ; je ne me sentais plus l’envie de courir les grands chemins, mais avec cet accident il a bien fallu changer de vie, hélas !

Il demanda combien ils étaient. L’Hérissé, qui était le chef de la bande, se chargea de la réponse :

— Nous sommes ici, dit-il, vingt-cinq grinches solides comme des chênes, ribleurs, maîtres gonins, cés, pégriots, escarpes, une vraie truandaille, comme