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— Qui êtes-vous ? demanda le roi sévèrement, que faites-vous ici ?

— Allons, assez de folies comme ça, dit l’infirme, et calme-toi. Mon déguisement est bon pour les autres. Toi, tu ne saurais t’y tromper et ne pas reconnaître ton père.

— Mon père ! Non, vous n’êtes pas mon père. Je ne vous connais pas. Je suis le Roi. Si vous avez caché mon loyal serviteur, menez-moi vers lui, ou vous payerez chèrement ce que vous venez de faire.

John Canty prit un ton froid et mesuré.

— Je veux bien que tu sois fou, et je consens à te faire grâce. Une fois n’est pas coutume. Mais il ne faudrait pas que ce jeu durât longtemps. Tu sais ce qui arrive quand on me pousse à bout. Tous tes grands airs et tes sottes paroles ne servent de rien ici où il n’y a personne pour s’amuser de ta folie, vraie ou non. Sache seulement ceci : c’est que tu feras bien d’apprendre à ta langue à se surveiller, si tu ne veux point en pâtir, maintenant que nous avons changé de quartier. J’ai tué un homme, et ce n’est pas le moment de nous en aller chez nous. Tu n’y iras pas, non plus, car j’ai besoin de toi ici. Écoute bien : j’ai changé de nom et pour cause ; je m’appelle à présent Hobbs…, John Hobbs. Toi, tu es Jack, mets-toi bien cela dans la mémoire. Et, maintenant, dégoise. Où est ta mère ? Où sont tes sœurs ? Je ne les ai pas trouvées au rendez-vous. Sais-tu ce qu’elles sont devenues ?

Le roi répondit avec mépris :

— Le roi interroge et n’a point à répondre. Ma mère est morte, et mes sœurs sont au palais.

Le jeune homme eut un grand éclat de rire.