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nir à Londres et aux lieux d’où il est parti ? Ce n’est point à supposer, car il ne voudra pas courir le risque d’être repris. Mais alors, que fera-t-il ? N’ayant aucun ami au monde, ni aucun protecteur, tant qu’il n’aura pas retrouvé Miles Hendon, il est clair qu’il le cherchera partout, excepté à Londres, où il serait en danger. Il prendra le chemin de Hendon Hall, c’est le seul parti qui lui reste, car il sait que Miles lui-même se rend à Hendon, et il doit se dire qu’il l’y rencontrera.

Miles était si convaincu qu’il ajouta :

— Je n’ai point de temps à perdre ici à Southwark ; allons tout droit, par le comté de Kent, vers Monk’s Holm, battre la forêt et faire parler les gens sur mon passage.

Voyons ce que faisait pendant ce temps le petit roi.

L’affreux drôle, que le garçon de l’auberge avait vu débucher comme une bête fauve, au moment où le roi et le jeune homme passaient sur le pont, ne les rejoignit point à proprement parler, mais il se mit en marche derrière eux en les serrant de près. Il ne disait rien. Le bras gauche en écharpe, l’œil gauche caché sous une grande pièce d’étoffe verte, il avait l’air de se traîner en s’appuyant de la main droite sur un gros gourdin.

Le jeune homme fit passer le roi par une allée tortueuse qui les mena au haut de la route de Southwark. Le roi était furieux. Il déclara qu’il n’irait pas plus loin, que c’était à Hendon à venir au-devant de son souverain, et non au souverain à se rendre à la rencontre de son vassal et sujet. Il était décidé à ne pas souffrir plus longtemps cette insolence et à ne point bouger de place.