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dépenaillé. Plaise à Votre Majesté de remarquer cette circonstance qui donne un si grand poids à l’accusation, savoir que le crime a été prédit.

C’était en effet un argument irrésistible, qui entraînait fatalement la condamnation, aux âges superstitieux.

Tom comprit qu’il n’y avait rien à répliquer. Pour peu qu’on s’en rapportât à ces témoignages accablants, la culpabilité du misérable était hors de doute.

Tom voulut toutefois laisser au prisonnier une dernière chance de salut :

— As-tu quelque chose à dire pour ta défense ? demanda-t-il. Parle vite.

— Sire, s’écria le condamné, tout ce que j’ai dit devant les juges, tout ce que je puis dire ici ne saurait me sauver. Je suis innocent, mais je ne puis le démontrer. Je n’ai point d’amis, je ne connais personne, sans cela j’aurais pu établir que je n’étais point à Islington, le jour où l’homme malade est mort ; j’aurais pu établir que, ce même jour, je me trouvais à une lieue de là, au bas du vieil escalier de Wapping, et je pourrais établir aussi qu’à ce même moment, sire, au lieu de faire périr quelqu’un par le poison, je sauvais la vie à un enfant qui se noyait et que…

— Paix, s’écria Tom avec animation. Shérif, quel jour a été commis le crime ?

— À dix heures du matin, sire, ou quelques minutes plus tard, le premier jour de l’an, alors que…

— Lâchez cet homme, qu’on lui donne la liberté, à l’instant même. Je le veux.

Tom avait pris un ton de commandement tellement impérieux qu’il crut avoir tout de bon dépassé la