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témoins disent que c’était à dix heures du matin, et deux autres témoins assurent que c’était quelques minutes plus tard. Le malade était seul à ce moment et dormait. L’homme que voici sortit presque aussitôt de la maison et suivit son chemin. Le malade mourut une heure après, en faisant de grands efforts pour vomir, avec des contractions convulsives des muscles et des nerfs.

— Quelqu’un a-t-il vu donner du poison au malade ? A-t-on trouvé du poison ou des traces de ce poison sur le cadavre ?

— Non, sire.

— Alors comment sait-on qu’il y a eu empoisonnement ?

— Plaise à Votre Majesté, les docteurs ont témoigné que personne ne meurt ainsi sans avoir été empoisonné.

Le témoignage était concluant, car la science médicale était, dans ces temps de simplicité, plus souveraine encore qu’aujourd’hui. Aussi Tom se garda-t-il de mettre en doute l’autorité d’une parole si généralement respectée.

— Les docteurs connaissent leur affaire, dit-il, par conséquent ils ont raison.

Et il ajouta mentalement :

— Le pauvre diable me paraît décidément perdu.

— Ce n’est pas tout, sire, continua le sous-shérif. Il y a plus et pis. Beaucoup de gens ont attesté qu’une sorcière du même hameau, que l’on n’a plus vue depuis lors et qui est allée on ne sait où, avait prédit et secrètement confié à plusieurs personnes que le malade mourrait par le poison, et que celui qui le lui donnerait serait un étranger, un homme brun, mal vêtu ; or, l’homme que voici est brun et