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titres ronflants, et les personnages qui portaient ces titres et ces noms, et qui étaient tous en costume de gala, se rangèrent silencieusement dans la pièce.

Tom ne fit point attention à eux : il était trop soucieux de ce qu’allaient devenir les trois misérables menés au supplice. Il s’assit avec indifférence dans un fauteuil dont le siège était brodé aux armes royales, et les pieds appuyés sur un coussin également armorié, il fixa les yeux sur la porte et donna tous les signes d’une nerveuse impatience. L’assistance n’osa point le troubler dans ses réflexions et, en attendant qu’il daignât s’occuper d’elle, des conversations à mi-voix s’engagèrent sur les affaires du gouvernement et sur les événements de la Cour.

Bientôt on entendit le pas mesuré des hommes d’armes. La porte de la salle d’audience s’ouvrit de nouveau, et les trois criminels se trouvèrent en présence de Tom sous la conduite d’un sous-shérif, accompagné d’un certain nombre de gardes du roi.

L’officier de justice mit un genou en terre devant Tom, puis se levant alla se poster à l’écart. Les trois condamnés s’agenouillèrent aussi et restèrent dans cette position, la face presque contre terre. La garde se groupa derrière le siège royal.

Tom examina attentivement les prisonniers. Je ne sais quoi dans le costume et l’air du condamné éveillait en lui un vague souvenir.

— Il me semble, se disait-il, que j’ai déjà vu cet homme…, mais où et quand, je ne saurais le préciser.

L’homme avait soudainement levé la tête et l’avait baissée tout de suite, ne pouvant supporter l’éclat redoutable de la souveraineté. Mais il n’avait fallu qu’un clin d’œil à Tom pour surprendre l’expression de la physionomie du misérable.