Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/141

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui paraissaient cent fois plus heureux que lui, puisqu’ils étaient libres.

Tout à coup il remarqua un grand tumulte, et il lui sembla entendre les cris poussés par une troupe désordonnée d’hommes, de femmes et d’enfants appartenant à la lie du peuple, qui descendaient la route et approchaient.

— Je voudrais bien savoir ce qu’on fait là-bas, s’exclama-t-il avec toute la curiosité d’un enfant en pareille circonstance.

— Vous êtes le Roi, répondit solennellement le comte en faisant la révérence. Si Votre Majesté veut me donner le droit d’agir…

— Oh ! oui, je vous en prie, s’écria Tom surexcité.

Et il ajouta à part lui avec un vif sentiment de satisfaction :

— Après tout, ce n’est pas si désagréable d’être roi, il y a des compensations.

Le comte appela un page et l’envoya au capitaine de la garde, avec un écrit ainsi conçu :

« Ordre de faire suspendre la marche de la populace et de s’informer de la cause de ce mouvement. De par le Roi. »

Quelques secondes après, une longue file de soldats de la garde royale, emprisonnés dans leurs armures d’acier, sortit par la porte du palais et barra la route, au grand étonnement de la multitude. Un messager rapporta presque aussitôt que la foule suivait un homme, une femme et une petite fille qui allaient être exécutés pour crimes commis contre la sûreté et la paix du royaume.

La mort, une mort horrible et ignominieuse attendait ces misérables ! À cette pensée, le cœur de Tom se serra violemment. Il se sentit pris d’une