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— Eh bien, alors, je dirai tout, car cela me pèse sur le cœur. Maintenant que vous n’êtes plus le prince de Galles, mais le Roi, vous pouvez régler les choses à votre gré, sans que personne y puisse trouver à redire ; aussi n’y a-t-il plus de raison pour vous de vous casser la tête avec des études qui n’ont rien de gai, et bien vous ferez en brûlant tous vos livres et en vous adonnant à une besogne moins fastidieuse. Mais avez-vous songé, sire, que, dans ce cas, nous serons ruinés, mes petites sœurs et moi ?

— Ruiné, toi ! comment ?

— Mon dos c’est mon pain, sire. Si mon dos ne sert plus, je meurs de faim et les miens avec moi. Si Votre Majesté n’étudie plus, ma charge n’a plus de raison d’être. Votre Majesté n’aura plus besoin d’enfant du fouet. Oh ! sire, ne me chassez pas !

Tom fut touché de cette pathétique requête. Il eut un élan de royale générosité.

— Ne te déconforte pas davantage, petit. Ta charge subsistera désormais pour toi et tes descendants.

Et donnant à l’enfant un léger coup sur l’épaule du plat de son épée :

— Lève-toi, dit-il solennellement, Humphrey Marlow, premier enfant du fouet héréditaire de la maison royale d’Angleterre ! Chasse tes soucis : je reprendrai mes livres et j’étudierai si mal, qu’il faudra tripler tes gages, car je veux te donner de la besogne plus que tu n’en peux porter.

Humphrey, pénétré de reconnaissance, répondit avec enthousiasme :

— Merci, ô mon très noble maître ; vos largesses