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Tom allait s’écrier qu’il eût été plus convenable de payer les dettes du feu roi avant de gaspiller tout cet argent ; mais une nouvelle pression de main exercée à temps sur son bras par le prévoyant Hertford l’empêcha de commettre cette nouvelle bévue. Aussi donna-t-il son royal consentement, sans dire mot, mais non sans se sentir intérieurement très vexé de voir son royaume s’en aller ainsi à vau-l’eau.

Tandis qu’il s’extasiait sur la facilité avec laquelle il accomplissait tant de choses étonnantes, gouverner un pays, nommer des hauts dignitaires, dépenser des sommes folles, régler ses comptes sans bourse délier et faire des trous pour en boucher d’autres, il lui vint tout à coup une heureuse et généreuse pensée ; pourquoi ne ferait-il point de sa mère une duchesse d’Offal Court en lui donnant tout le quartier qu’elle habitait pour apanage ? Il allait en parler à son Conseil quand il se ravisa : il se souvint en effet qu’il n’était roi que de nom, que ces graves personnages, ces nobles seigneurs étaient ses maîtres, que pour eux sa mère n’existait que dans son imagination malade, qu’ils écouteraient ses paroles et accueilleraient ses projets sans rien faire et en profiteraient pour le recommander d’un peu plus près aux soins du premier médecin de la Cour.

Pendant ce temps, les grands dignitaires abattaient de la besogne. Ce n’étaient que lectures de pétitions, de proclamations, de lettres-patentes, de papiers verbeux, ennuyeux, où les mêmes mots revenaient sans cesse, et qui tous avaient trait aux affaires publiques.

Tom poussait de grands soupirs entrecoupés de bâillements et se demandait :