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eut-il entendu prononcer son nom fameux, qu’il prit la fuite. La cause du roi de France était perdue. Le roi Jean rendit au sire de Courcy tous ses titres et ses domaines, et lui dit : « Quoi que tu demandes ou désires, nous te l’accordons d’avance, dussions-nous y sacrifier la moitié de notre royaume. » Alors de Courcy s’agenouilla, comme je fais en ce moment, sire, et il parla ainsi : « Voici ce que j’espère et requiers, très haut et puissant suzerain, savoir que moi et mes successeurs ayons désormais le privilège de rester couverts en présence des rois d’Angleterre, et ce d’ores et déjà et tant que le trône d’Angleterre sera debout. » Cette faveur lui fut octroyée, Votre Majesté ne l’a point oublié. Depuis quatre cents ans il n’y a point eu défaut d’héritier dans cette lignée, en sorte que jusqu’à ce jour le chef de cette antique maison a droit de garder sur sa tête le heaume, casque, morion ou toute autre coiffure devant Sa Majesté le Roi, ceci sans que personne y puisse redire ou porter empêchement, et sans qu’aucun autre puisse faire de même[1]. Sire, invoquant ce précédent à l’appui de ma prière, j’ose supplier le Roi de m’accorder pour seule grâce et unique privilège, et comme récompense suffisante et trop grande, savoir : que moi et mes héritiers, à jamais, ayons droit de rester assis en présence de Sa Majesté le Roi d’Angleterre.

— Levez-vous, sir Miles Hendon, chevalier, dit le roi en prenant gravement la rapière de son protecteur et en lui donnant l’accolade ; levez-vous et asseyez-vous. Votre demande vous est accordée. Tant qu’existera l’Angleterre et que subsistera la

  1. Les lords de Kingsale, descendants des Courcy, jouissent, encore aujourd’hui de ce privilège.