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déviderait ainsi l’impromptu et avec chaleur un peloton d’aventures imaginées tout d’une pièce. Pauvre petite tête fêlée, va ! Il ne manquera plus d’ami ni d’abri tant que je serai au nombre des vivants. Il ne me quittera plus, il sera mon petit camarade, mon enfant gâté. Et je le guérirai ! Et quand il aura tous ses sens, je ferai de lui un homme, et je serai fier de pouvoir dire : Il me doit tout ; je l’ai ramassé dans la rue, quand il n’était qu’un pauvre petit gueux sans pain et sans toit, mais j’ai vu l’étoffe qu’il y avait en lui, et je me suis dit qu’un jour on entendrait parler de lui, et maintenant voyez-le, regardez-le ; avais-je raison ?

Pendant que Hendon se livrait à ces calculs et à cette joie, le roi, d’un air pensif et d’un accent mesuré, lui disait :

— Vous m’avez soustrait aux outrages de la foule et à l’ignominie, peut-être même m’avez-vous sauvé la vie, en sauvegardant ainsi la couronne. Ces services exceptionnels ont droit à une haute et libérale récompense. Parlez, que voulez-vous ? Ce qu’il est en mon pouvoir royal de vous promettre vous sera accordé.

Cette offre fantastique tira tout d’un coup Hendon de sa rêverie. Il fut sur le point de remercier brièvement le roi et de rompre la conversation en disant qu’il n’avait fait que son devoir et n’en attendait point le prix ; mais il lui vint soudainement une autre idée, et il demanda la permission de se recueillir. Le roi l’approuva gravement, en faisant remarquer qu’il ne fallait point agir à la légère, dans une affaire aussi importante.

Miles parut s’absorber dans ses réflexions.

— Oui, se disait-il, voilà bien ce qu’il y a à faire ;