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avoir trouvée dans mon appartement et qu’il y avait cachée lui-même. Mon père se laissa convaincre et crut, sur la foi de domestiques soudoyés et d’autres imposteurs, que j’avais le dessein secret d’enlever Lady Édith et de l’épouser malgré lui.

« Mon père se montra très irrité. Il me chassa de la maison et me défendit de revenir en Angleterre avant trois ans. Le seul moyen, disait-il, de faire de Miles un homme et de le ramener à de bons sentiments, c’est de l’envoyer servir à l’étranger. Je fis ainsi mes premières armes dans les guerres du continent, et cet apprentissage me valut force horions, privations et aventures de tout genre. Dans ma dernière campagne, je fus fait prisonnier, et je passai six ans dans un donjon. Grâce à mon esprit inventif et aussi à mon courage, je parvins à m’évader et j’accourus ici. Je viens d’arriver à Londres, aussi pauvre d’argent que d’habits, et ne sachant rien de ce qui s’est passé depuis sept ans à Hendon Hall, ni de ce qu’est devenue ma famille. Voilà mon histoire, sire, et plaise à Votre Majesté de me pardonner l’ennui que je lui ai causé.

— Vous avez été indignement trompé, dit le roi avec un regard irrité, mais je vous ferai rendre justice ; sur la croix je le jure. Vous avez la parole du Roi !

Le récit des malheurs de Miles semblait avoir délié la langue au jeune souverain : tout d’un trait il conta ses propres souffrances. Il avait achevé depuis longtemps, que son auditeur le regardait encore avec ébahissement :

— Tudieu, quelle imagination ! se disait le brave homme. Par le fait, il n’a point une intelligence ordinaire. Ce n’est pas le premier venu, fou ou non, qui