Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toire. Vous avez l’air vaillant et noble. Êtes-vous gentilhomme ?

— Nous sommes au bas bout de la noblesse, sauf le bon plaisir de Votre Majesté. Mon père est baronnet, il compte parmi les lords mineurs par fief de haubert[1]. Sir Richard Hendon, de Hendon-Hall, près Monk’s Holm, dans le comté de Kent…

— Ce nom m’échappe. Poursuivez…

— Mon histoire est peu amusante, sire : puisse-t-elle, à défaut de mieux, récréer quelques instants Votre Majesté. Mon père, sir Richard, est très riche ; c’est un homme d’un caractère élevé et généreux. Ma mère mourut quand j’étais encore enfant. J’ai deux frères : l’aîné, Arthur, âme loyale comme mon père ; l’autre, Hughes, plus jeune que moi, nature basse, inhumaine, perfide, vicieuse, sournoise, tenant du reptile. Il a été tel depuis le berceau ; il était tel quand je le quittai, il y a sept ans. C’était déjà un vaurien achevé, quoiqu’il n’eût pas atteint la vingtaine. J’ai un an de plus que lui, et Arthur, deux. Nous avons aussi une cousine, Lady Édith, qui avait alors seize ans. Elle est belle, aimable et bonne. Elle est la fille d’un comte qui fut le dernier de sa race. Elle était l’héritière d’une grande fortune et d’un titre tombé en quenouille. Mon père était son tuteur. Je l’aimais et elle partageait mes sentiments, mais elle avait été fiancée, dès sa naissance, à mon

  1. Hendon fait ici allusion aux baronnets ou barones minores, qui étaient distincts des barons parlementaires, et non aux baronnets de création postérieure. Le fief de haubert obligeait celui qui le possédait à aller servir le souverain à la guerre, avec droit de porter le haubert ou la cuirasse particulière aux chevaliers.