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Pendant que Miles procédait à cette opération, l’enfant s’était assis et se disposait à manger.

Hendon termina promptement ses ablutions et prit une chaise. Il allait s’asseoir en face de son convive, quand celui-ci lui dit avec indignation :

— Arrêtez ! On ne s’assied pas devant le Roi.

Ce dernier trait renversait toutes les idées de Hendon :

— Le pauvre petit ! murmura-t-il, voilà sa folie qui lui revient ; mais elle s’est aggravée avec le grand changement qui s’est produit dans le royaume : maintenant il croit être le Roi. La farce est bonne, pourtant il faut que je m’y prête, sinon, il m’enverrait tout droit à la Tour.

Et l’excellent homme, ravi de cette petite comédie, écarta sa chaise et se tint debout derrière le roi, s’efforçant de montrer autant de respect que de courtoisie.

Le roi mangeait de bon appétit, et se relâchant un peu de sa dignité à mesure qu’il se trouvait mieux, il manifesta le désir d’interroger celui qui le servait.

— Je crois, dit-il avec bonté, que vous vous appelez Miles Hendon, si j’ai bien compris ?

— Oui, sire, répondit Miles en s’inclinant.

Et il ajouta à part lui :

— Si je ne veux point contrarier son innocente folie, je dois lui donner gros comme le bras des noms ronflants, sire, majesté, et n’y point aller à demi, car si j’omets quoi que ce soit de mon rôle, je ferai plus de mal que de bien et je causerai du chagrin à ce cher petit malheureux.

Le roi se versa un second verre de vin qu’il avala d’un trait, puis il dit avec bienveillance :

— Je m’intéresse à vous. Contez-moi votre his-