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labeur de la semaine ; elle aime sentir son poisson se rouler sur elle ; et elle fait du bruit pour l’amuser, simulant de mordre ce qui lui sert de pattes : cela le fait rire. Je n’ai jamais vu rire un poisson comme celui-ci. Sa vue m’intrigue. J’en suis arrivé à aimer le dimanche. C’est vraiment fatigant d’être surveillant toute la semaine… Il devrait y avoir plus de dimanches. Au début, je les trouvais fastidieux, maintenant je leur découvre de l’agrément.

Mercredi. — Ce n’est plus un poisson. Je ne sais pas exactement ce que c’est : il fait un bruit diabolique quand il n’est pas satisfait ; quand il est content, il dit : « Gou, gou. » Il n’est pas fait comme nous puisqu’il ne peut pas marcher. Ce n’est pas un oiseau puisqu’il ne vole pas, ni une grenouille puisqu’il ne saute pas, et il n’a rien du serpent puisqu’il ne rampe pas. Je suis moralement certain que ce n’est pas un poisson et pourtant me sens incapable de vérifier s’il peut nager ou non. Il se contente de se rouler, le plus souvent sur le dos, les pattes en l’air. Je n’ai vu aucun animal faire comme lui. J’ai d’abord dit que je le prenais pour une énigme ; elle ne comprend pas le mot, mais elle admire tout de même. À mon avis, c’est une énigme ou une punaise. S’il meurt, je le mettrai de côté et j’examinerai son mécanisme. Je n’ai jamais été aussi intrigué de ma vie.

Trois mois plus tard. — Ma perplexité augmente au lieu de diminuer. Je dors fort peu. Il a cessé de se rouler sur le dos, et marche maintenant à quatre pattes. Pourtant, il diffère des autres quadrupèdes, en ce que ses pattes de devant sont particulièrement courtes. Aussi la partie principale de sa personne se tient-elle droite en l’air ; ce n’est même pas joli du tout. Sa structure ressemble beaucoup à