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vérole de l’espèce la plus virulente, et quand il retrouva la santé, sa figure était trouée comme un moule à gaufre et toute sa beauté disparue pour toujours.

Aurélia songea d’abord à rompre son engagement, mais, par pitié pour l’infortuné, elle se contenta de renvoyer le mariage à une autre saison, et laissa une chance au malheureux.

La veille même du jour où le mariage devait avoir lieu, Breckinridge, tandis qu’il était occupé à suivre des yeux un ballon, tomba dans un puits et se cassa une jambe, qu’on dut lui amputer au-dessus du genou. Aurélia, de nouveau, fut tentée de rompre son engagement, mais, de nouveau, l’amour triompha, et le mariage fut remis, et elle lui laissa le temps de se rétablir.

Une infortune nouvelle tomba sur le malheureux fiancé. Il perdit un bras par la décharge imprévue d’un canon que l’on tirait pour la fête nationale, et, trois mois après, eut l’autre emporté par une machine à carder. Le cœur d’Aurélia fut presque brisé par ces dernières calamités. Elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une profonde affliction, en voyant son amoureux la quitter ainsi morceau par morceau, songeant qu’avec ce système de progressive réduction il n’en resterait bientôt plus rien, et ne sachant comment l’arrêter sur cette voie funeste. Dans son désespoir affreux, elle en venait presque à regretter, comme un négociant qui s’obstine dans une affaire et perd davantage chaque jour, de ne pas avoir accepte Breckinridge tout d’abord, avant qu’il eut subi une si alarmante dépréciation. Mais son cœur prit le dessus, et elle résolut de tenter l’épreuve des dispositions déplorables de son fiancé encore une fois.

De nouveau se rapprochait le jour du mariage,