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ROGERS

Je rencontrai le nommé Rogers, et il se présenta lui-même, dans le sud de l’Angleterre, où je résidais alors. Son beau-père avait épousé une mienne parente éloignée, qui, par la suite, fut pendue. Il paraissait croire, en conséquence, à une parenté entre nous. Il venait me voir tous les jours, s’installait et causait. De toutes les curiosités humaines sympathiques et sereines que j’ai vues, je le regarde comme la première. Il désira examiner mon nouveau chapeau haut de forme. Je m’empressai, car je pensais qu’il remarquerait le nom du grand chapeUer d’Oxford Street, qui était au fond, et m’estimerait d’autant. Mais il le tourna et le retourna avec une sorte de gravité compatissante, indiqua deux ou trois défauts et dit que mon arrivée, trop récente, ne pouvait pas laisser espérer que je susse où me fournir. Il m’enverrait l’adresse de son chapelier. Puis il ajouta : « Pardonnez-moi », et se mit à découper avec soin une rondelle de papier de soie rouge. Il entailla les bords minutieusement, prit de la colle, et colla le papier dans mon chapeau de manière à recouvrir le nom du chapeUer. Il dit : « Personne ne saura maintenant où vous l’avez acheté. Je vous enverrai une marque de mon chapelier, et vous pourrez l’appliquer sur la rondelle de papier. » Il fit cela le plus calmement, le plus froidement du monde, je n’ai