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et un de nous a été noyé. Mais nous ne savons pas qui. Les uns croient que c’était Bill. D’autres pensent que c’était moi.

— C’est très curieux. Et quelle est votre opinion personnelle ?

— Dieu le sait ! Je donnerais tout au monde pour le savoir. Ce solennel et terrible mystère a jeté une ombre sur toute ma vie. Mais je vais maintenant vous dire un secret que je n’ai jamais confié à aucune créature jusqu’à ce jour. Un de nous avait une marque, un grain de beauté, fort apparent, sur le dos de la main gauche. C’était moi. Cet enfant est celui qui a été noyé.

— Ma foi, je ne vois pas, dès lors, qu’il y ait là-dedans le moindre mystère, tout considéré.

— Vous ne voyez pas. Moi, je vois. De toute façon, je ne puis comprendre que les gens aient pu être assez stupides pour aller enterrer l’enfant qu’il ne fallait pas. Mais chut !… N’en parlez jamais devant la famille. Dieu sait que mes parents ont assez de soucis pour leur briser le cœur, sans celui-la.

— Eh bien, j’ai, ce me semble, des renseignements suffisants pour l’heure, et je vous suis très obligé pour la peine que vous avez prise. Mais j’ai été fort intéressé par le récit que vous m’avez fait des funérailles d’Aaron Burr. Voudriez-vous me raconter quelle circonstance, en particulier, vous fit regarder Aaron Burr comme un homme si remarquable ?

— Oh ! un détail insignifiant. Pas une personne sur cinquante ne s’en serait aperçue. Quand le sermon fut terminé, et que le cortège fut prêt à partir pour le cimetière, et que le corps était installé bien confortable dans le cercueil, il dit qu’il ne serait pas fâché de jeter un dernier coup d’œil sur