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un procédé littéraire qu’une disposition et une tournure d’esprit, et qui peut se retrouver, comme il convient, non seulement dans les paroles, mais dans les actes. Robin Hood, avec son épée, fait la rencontre d’un chaudronnier, qui n’a d’autre arme que ses deux bras. Le chaudronnier, attaqué, rosse copieusement Robin Hood, qui, charmé, lui donne cent livres. C’est un trait déconcertant, et d’une logique bizarre. C’est de l’humour en action.

Ceux qui ont cette tournure d’esprit savent toujours prendre les choses par le bon côté, et il y en a toujours un. Sam Weller se frotte les mains de plaisir, toutes les fois qu’il lui arrive quelque chose de fâcheux. Voilà enfin une occasion où il y aura du mérite à être jovial.

Mais le mérite n’est pas médiocre de développer ces antithèses et d’en tirer un amusement. C’est en cela que l’œuvre des humoristes est morale. Ils nous apprennent à sourire des petites misères de la vie, quand nous ne pouvons rien contre, au lieu de nous indigner inutilement. Suivant la parole du philosophe, le ris excessif ne convient guère à l’homme qui est mortel. Mais le sourire appartient à l’homme, et nous devons être reconnaissant à ceux qui nous font sourire, ou même rire sans grossièreté. Souhaitons, pour notre santé morale, et aussi pour notre joie, qu’il y ait des humoristes, jusqu’aux temps les plus reculés, sur notre pauvre machine ronde, ou plutôt tétraédrique, c’est-à-dire en forme de toupie, puisque, d’après les dernières découvertes, il paraît que c’est la forme qu’elle présente en réalité.

Gabriel de Lautrec.