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chien qui n’avait pas de jambes de derrière, parce qu’il les avait eues prises et coupées par une scie circulaire. Quand le combat eut été mené assez loin, et que tout l’argent fut sorti des poches, lorsqu’André Jackson arriva pour saisir son morceau favori, il vit aussitôt qu’on s’était moqué de lui, et que l’autre chien le tenait contre la porte, comme on dit. Il en parut tout surpris, penaud et découragé ; il ne fit plus un seul effort, et dès lors fut rudement secoué. Il adressa un regard à Smiley, comme pour lui dire que son cœur était brisé, et que c’était sa faute à lui, Smiley, d’avoir amené un chien qui n’avait pas de jambes de derrière, qu’il pût saisir, puisque c’était là-dessus qu’il comptait dans un combat. Il fit ensuite quelques pas, clopin-clopant, se coucha et mourut. C’était un bon chien, cet André Jackson. Il se serait fait un nom s’il eût vécu. Car il avait de l’étoffe et du génie. Je le sais, bien que les circonstances l’aient trahi. Il serait absurde de ne pas reconnaître qu’un chien devait avoir un talent spécial pour se battre de cette façon. Je me sens toujours triste quand je pense à son dernier tournoi et à la manière dont il finit.

« Eh bien ! ce Smiley avait des terriers, des coqs de combat, des chats et toutes sortes d’animaux semblables, au point qu’on n’avait pas de repos, et que vous aviez beau chercher n’importe quoi pour parier contre lui, il était toujours votre homme. Il attrapa un jour une grenouille, l’emporta chez lui, et dit qu’il voulait faire son éducation. Mais pendant trois mois, il ne fit rien que la mettre dans son arrière-cour, et lui apprendre à sauter, et je vous parie tout ce que vous voudrez qu’il le lui apprit. Il n’avait qu’à lui donner une petite poussée par derrière, et aussitôt, on voyait la grenouille tourner en l’air comme une crêpe, faire une culbute