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Mon auditeur enthousiasmé se précipita vers moi, me prit les mains et s’écria :

— « Là ! là ! il suffit. Je sais maintenant que j’ai toute ma tête, vous avez lu cela juste comme moi, mot pour mot. Mais étranger, quand je vous lus d’abord, ce matin, je me dis : Non, non, jamais je ne l’avais cru, malgré les soins que me prodiguent mes amis, mais maintenant je sens bien que je suis fou ; et alors j’ai poussé un hurlement que vous auriez entendu de deux kilomètres, et je suis parti pour tuer quelqu’un, car je sentais que cela arriverait tôt ou tard, et qu’autant valait commencer tout de suite. J’ai relu d’un bout à l’autre un de vos paragraphes, pour être tout à fait sûr, puis j’ai mis le feu à ma maison, et je suis parti. J’ai estropié plusieurs personnes et j’ai logé un individu dans un arbre où je le retrouverai quand je le voudrai. Mais j’ai pensé qu’il fallait entrer chez vous comme je passais par là, et m’assurer de la chose. Et maintenant je sais à quoi m’en tenir, et je puis vous dire que c’est un bonheur pour l’individu qui est dans l’arbre. Je l’aurais tué, sans nul doute, en repassant. Bonsoir, Monsieur, bonsoir, vous m’avez ôté un grand poids de l’esprit. Ma raison a résisté à la lecture d’un de vos articles d’agriculture. Je sais que rien désormais ne pourra plus la troubler. Bonsoir, Monsieur. »

Je me sentis un peu ému en songeant aux forfaits et aux incendies que cet individu s’était permis ; je ne pouvais m’empêcher de songer que j’en étais un peu le complice. Mais ces sentiments disparurent vite, car le directeur en titre venait d’entrer.

Je me dis en moi-même : « Tu aurais mieux fait d’aller te promener en Égypte, comme je te l’avais conseillé. Il y aurait eu quelque chance que tout