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Ce bon petit garçon lisait tous les livres de l’école du dimanche. C’était son plus grand plaisir. C’est qu’il croyait fermement à la réalité de toutes les histoires qu’on y racontait sur les bons petits garçons. Il avait une confiance absolue dans ces récits. Il désirait vivement rencontrer l’un de ces enfants, quelque jour, en chair et en os, mais il n’eut jamais ce bonheur. Peut-être que tous étaient morts avant sa naissance. Chaque fois qu’il lisait l’histoire d’un garçon particulièrement remarquable, il tournait vite les pages pour savoir ce qu’il était advenu de lui, il aurait volontiers couru des milliers de kilomètres pour le rencontrer. Mais, inutile. Le bon petit garçon mourait toujours au dernier chapitre, il y avait une description de ses funérailles, avec tous ses parents et les enfants de l’école du dimanche debout autour de la tombe, en pantalons trop courts et en casquettes trop larges, et tout le monde sanglotant dans des mouchoirs qui avaient au moins un mètre et demi d’étoffe. Ainsi le bon petit garçon était toujours désappointé. Il ne pouvait jamais songer à voir un de ces jeunes héros, car ils étaient toujours morts en arrivant au dernier chapitre.

Jacob, cependant, avait la noble ambition d’être mis un jour dans les livres. Il souhaitait qu’on l’y vit, avec des dessins qui le représenteraient refusant glorieusement de faire un mensonge à sa mère, qui pleurait de joie. D’autres gravures l’auraient montré debout sur le seuil de la porte, donnant deux sous à une pauvre mendiante, mère de six enfants, et lui recommandant de les dépenser librement, mais sans profusion, car la profusion est un péché. Et ailleurs, on l’aurait vu refusant généreusement de dénoncer le méchant gars qui l’attendait chaque jour au coin de la rue à son retour de l’ecole,