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toutes personnes ayant des grains dans leurs maisons en magasin ou autrement, d’en retenir au delà de ce qui leur est absolument nécessaire pour leur subsistance et celle de leur famille, et leur enjoint d’en porter au marché d’Angoulême la plus grande quantité possible, à peine contre ceux qui en retiendraient au delà de leur provision, de 1,000 liv. d’amende, et de plus grande peine s’il échoit ; que de plus il est enjoint par cette ordonnance, à tous grènetiers conduisant du blé à Angoulême, de le décharger directement au marché sans pouvoir en conduire ni serrer ailleurs à peine de 100 livres d’amende ; qu’enfin il est fait défense auxdits grènetiers de remporter chez eux, après le marché, les grains invendus, qu’il leur est ordonné de mettre dans un dépôt que ledit lieutenant de police indiquerait, et aux meuniers d’acheter aucune espèce de grains, même aux marchés, sans la permission dudit lieutenant de police ; Sa Majesté a reconnu que cette ordonnance, directement contraire à la déclaration du 25 mai 1763 et à l’édit du mois de juillet 1764, compromettrait la tranquillité et la subsistance des peuples, tant de l’Angoumois que du Limousin et d’une partie du Périgord, qui, dans les circonstances fâcheuses où la médiocrité des récoltes a réduit ces provinces, ne peuvent être alimentés que des grains étrangers que le commerce fait importer par la Charente, et dont la ville et le faubourg d’Angoulême sont et doivent être l’entrepôt par leur situation ; que cette ordonnance, proscrivant tout emmagasinement à Angoulême, et enjoignant de conduire au marché tous les grains qui seraient portés dans cette ville, en écarterait nécessairement les négociants par la crainte de cette gêne, et priverait la ville d’Angoulême de la subsistance qu’elle a lieu d’espérer, ou empêcherait les négociants qui y auraient fait arriver des grains, et qui, suivant cette ordonnance, seraient tenus de les porter au marché sans pouvoir les remporter, quoiqu’invendus, de les faire circuler dans les provinces voisines qui éprouvent la disette, et les ferait tomber dans la famine ; qu’il est d’autant plus pressant de prévenir ce danger, que plusieurs chargements de grains achetés par différents négociants, et destinés soit pour Angoulême, soit pour les autres provinces, sont déjà arrivés à Charente et embarqués sur la rivière pour être transportés à Angoulême et suivre leur destination, que cette ordonnance arrêterait ; que, d’ailleurs, elle tendrait à irriter le peuple contre les propriétaires et les commerçants de