qui reste à découvrir. La protection donnée aux sciences dans les royaumes de l’Orient est ce qui les y a perdues ; de qui, en les chargeant de rites et les transformant en donnes, a limité leurs progrès et les a même fait reculer. — La Grèce n’a tant surpasse, les Orientaux dans les sciences qu’elle tenait d’eux, que parce qu’elle n’était pas soumise à une seule autorité despotique. Si elle n’eût formé comme l’Égypte qu’un seul corps d’État, vraisemblablement un homme comme Lycurgue, en voulant protéger les sciences, eût prétendu régler les études par des détails de police. L’esprit de secte, assez naturel aux premiers philosophes, fût devenu l’esprit de la nation. Si le législateur eût été disciple de Pythagore, les sciences de la Grèce eussent été à jamais bornées à la connaissance des dogmes de ce philosophe, qu’on eût érigés en articles de foi. Il aurait été ce qu’a été à la Chine le célèbre Confucius. Heureusement la situation où se trouva la Grèce, divisée en une infinité de petites républiques, laissa au génie toute la liberté, toute la concurrence d’efforts dont il a besoin. Les vues des hommes sont toujours bien étroites en comparaison de celles de la nature. Il vaut mieux être guidé par celle-ci que par des lois imparfaites. Si les sciences ont fait de si grands progrès en Italie, et par suite dans le reste de l’Europe, elles le doivent sans doute à la situation où se trouva l’Italie au quatorzième siècle, assez semblable à celle de l’ancienne Grèce.
Les sciences avaient toujours été traitées mystérieusement chez les Asiatiques ; et, là où les sciences sont des mystères, il est rare qu’elles ne dégénèrent pas en superstitions. Le génie n’est point attaché à de certaines familles, ni à de certaines places : y concentrer les sciences, c’est en éloigner presque tous ceux qui sont capables de les perfectionner. — De plus, il est bien difficile que des hommes, la plupart médiocres, qui ont reçu la vérité ou les sciences comme un héritage, ne les regardent pas comme une terre, comme un fonds dont ils doivent tirer l’intérêt Elles deviennent dans leurs mains l’objet d’un trafic honteux et d’un vil monopole, une espèce de marchandise qu’ils corrompent encore par le mélange absurde des plus ridicules opinions. Ce fut la destinée des anciennes découvertes faites en Orient, et mises en dépôt entre les mains des prêtres. Elles s’y étaient altérées au point de n’être plus qu’un amas monstrueux de fables, de magie, et de superstitions les plus extravagantes.
Toutes ces absurdités, incorporées sous les successeurs d’Alexandre à l’ancienne philosophie des Grecs, produisirent le pythagorisme moderne de Jamblique, de Plotin et de Porphyre.
Nous voyons de là qu’une maturité précoce, dans les sciences ou dans les langues, n’est pas un avantage à envier. L’Europe, plus tardive, a porté des fruits plus nourrissants et plus féconds. L’instrument que les langues grecque et latine, et nos langues modernes, lui ont offert et nous offrent, est plus difficile à manier. Mais il peut s’appliquer à un bien plus grand nombre d’usages et de travaux. La multitude des idées abstraites que nos langues expriment, et qui entrent dans nos analogies, demandent un grand art pour être employées. C’est l’inconvénient des langues perfectionnées. Il y a plus de mots qui ne portent point d’images. Il faut donc plus d’habileté et de talents pour peindre dans ces langues détenues si propres à définir et à démontrer. Mais pour les grands génies cette difficulté même, qui exerce leur talent et les oblige de déployer leurs forces, |es conduit À des succès dont l’enfance des langues et des nations n’était pas susceptible. Les premiers