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VIII. ORDONNANCE

QUI CHARGE LES PROPRIÉTAIRES ET HABITANTS DES PAROISSES DE LA GÉNÉRALITÉ DE LIMOGES DE POURVOIR À LA SUBSISTANCE DES PAUVRES JUSQU’À LA RÉCOLTE PROCHAINE[1]. (1er mars 1770.)


DE PAR LE ROI. Anne-Robert-Jacques Turgot, etc.

Étant informé que la modicité des récoltes de l’automne dernier a répandu dans les villes et les campagnes de cette province la misère la plus excessive, et multiplié le nombre des pauvres au point que plusieurs seraient réduits à manquer des choses les plus nécessaires à la vie, s’il n’était incessamment pris des mesures pour assurer leur subsistance par l’application et la répartition la plus juste des secours qu’ils sont en droit d’attendre de la religion et de l’humanité des personnes aisées, et désirant y pourvoir ; vu les ordonnances rendues par nos prédécesseurs dans les chertés de grains qui ont précédemment affligé la généralité, nous ordonnons ce qui suit :

Article I. Huit jours au plus tard après la réception de la présente ordonnance, il sera convoqué dans chacune des villes, paroisses ou communautés de la généralité, savoir, dans les villes, à

  1. Nous avons vu combien M. Turgot aimait à porter les hommes vers le bien public, en excitant leur moralité et en invoquant leur raison. Il a presque toujours commencé par dire ce qui était à faire ; il se plaisait à développer comment et pourquoi. Mais il savait aussi que l’autorité qui commande à tous devait venir à l’appui de la raison, qui ne persuade que les bons esprits et ne touche que les bons cœurs. Il croyait seulement que les bons esprits et les bons cœurs, à qui Dieu a donné une magistrature naturelle, devenaient de secourables et d’utiles alliés de l’autorité, qu’ils la fortifiaient très-sensiblement quand elle leur avait manifesté la justice de ses intentions et l’utilité de ses injonctions. Les ordres mêmes, disait-il, doivent être semés en terre préparée. Il suivit, durant la disette qu’éprouva sa généralité en 1770, cette règle générale de son administration.

    Nous avons vu, dans les Instructions précédentes, qu’il avait indiqué le devoir des propriétaires envers leurs colons avant d’en prescrire positivement l’exercice. Il en fut de même pour l’obligation de pourvoir à la subsistance des pauvres.

    Les Instructions qu’il avait données étaient répandues dans toute la province ; elles étaient l’objet de toutes les conversations ; elles avaient porté la consolation chez le peuple, et animé le zèle de ceux qui pouvaient concourir à leur exécution ; cette exécution même était commencée dans la plupart des paroisses, quand il les rendit, par l’Ordonnance que nous allons transcrire, positivement obligatoires dans celles où l’on ne s’y conformait qu’avec lenteur. (Note de Dupont de Nemours.)