la vigilance des habitants et des administrateurs à intercepter toute communication avec les lieux infectés. Mais leur vigilance court à chaque instant risque de devenir inutile, puisque, aussi longtemps qu’ils seront environnés de toutes parts des foyers de la contagion, la plus légère imprudence suffit pour déconcerter toutes leurs mesures, et les rendre tôt ou tard victimes de la négligence de leurs voisins.
Il y a d’autres cantons où les paysans, trompés par les fausses espérances que leur ont données des charlatans, s’obstinent à garder les bestiaux malades jusqu’à ce qu’ils meurent ; à les laisser confondus avec les bestiaux sains dans les mêmes étables, dans les mêmes pâturages ; à ne prendre aucune précaution pour purifier les étables où la maladie a régné, avant d’y mettre d’autres bestiaux. Rien n’a pu vaincre l’opiniâtreté des paysans du Condomois sur tous ces points, et c’est à cette cause surtout qu’on doit attribuer la violence avec laquelle la maladie a ravagé cette partie de la Guyenne. Tant qu’on laissera subsister de pareils foyers du mal, jamais ce fléau ne cessera de menacer les parties saines ; la contagion deviendra éternelle ; elle ne finira pas même par la destruction de tous les animaux existants dans les lieux attaqués, parce que les étables et les râteliers infectés feront renaître la maladie, lorsqu’au bout de quelque temps on les aura repeuplés de nouveaux bestiaux. Ce sera donc un levain de contagion toujours subsistant dans le royaume, toujours prêt à infecter la masse entière, et à produire de temps en temps des épizooties générales.
Ces considérations ont fait penser à Sa Majesté qu’il était indispensable de s’occuper sans délai à détruire entièrement cette maladie, et à en déraciner tous les germes dans tous les lieux où elle a pénétré jusqu’à présent.
Sa Majesté s’est convaincue que ce projet n’a rien que de très-praticable : en effet, il est constaté par le rapport de tous les gens de l’art, de tous ceux qui ont observé la nature de cette maladie et la marche de ses progrès, et en particulier par les expériences multipliées qu’a faites M. Vicq-d’Azir, médecin de l’Académie des sciences, envoyé par le roi sur les lieux, que le mal ne se répand que par la communication médiate ou immédiate du bétail malade avec le bétail sain ; en sorte que, dans les lieux mêmes où la contagion déploie le plus sa fureur, les bestiaux qu’on a tenus enfermés et isolés