Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XIX. La partie de la taille personnelle de chaque objet sera composée, savoir : 4o du revenu des moulins et usines et des maisons en propre données à loyer ou occupées, sur lesquels objets on déduira le quart pour les réparations ; 2o des revenus des terres données à loyer, suivant la redevance, ou de celles exploitées en propre, suivant le prix du loyer des classes dans lesquelles elles se trouveront ; 3o des rentes actives ; 4o du bénéfice de l’industrie ; 5o du dixième du prix des journées de la profession à laquelle chacun des contribuables s’adonne.

XX. Tous les revenus ou facultés résultant des objets ci-dessus seront imposés au sou pour livre ; en telle manière, à l’égard des journées, par exemple, que si un artisan ou un journalier est censé gagner deux cents journées par an, ces journées ayant été tirées pour vingt dans l’évaluation des facultés, ce même journalier ne sera imposé qu’au prix d’une seule de ses journées ; les fermiers seront aussi imposés pour le bénéfice de leur exploitation, attendu que, ne l’étant pour les arpents de terre qu’ils cultivent que dans la même proportion que tous les autres exploitants, et même ceux qui n’ont à eux aucuns moyens de culture, il est juste qu’ils contribuent personnellement aux charges de l’État pour des fonds qu’ils emploient à leurs exploitations, comme un commerçant à raison des fonds qu’il met dans son commerce, sans quoi ils seraient effectivement traités comme les privilégiés, qui sont exempts de la taille personnelle et ne contribuent qu’à la taille d’exploitation[1].


Mémoire au roi pour lui proposer l’abolition des contraintes solidaires pour le payement des impositions royales, excepté dans les cas de rébellion. (3 janvier 1775.)

Sire, je crois devoir proposer à Votre Majesté d’abroger une loi qui m’a toujours paru cruelle et, j’ose le dire, injuste pour les habitants des campagnes, et dont j’ai vu plus d’une fois l’exécution rigoureuse devenir une source de ruine pour les cultivateurs.

Je parle de la loi qui autorise les receveurs des tailles à choisir plusieurs habitants parmi les plus hauts taxés d’une communauté, pour les contraindre à payer par voie d’emprisonnement ce que la paroisse doit sur ses impositions, soit par le défaut de nomination de collecteur, soit par l’infidélité ou l’insolvabilité du collecteur nommé.

Je dois avouer à Votre Majesté que cette loi, comprise dans un règlement général sur le fait des tailles de l’année 1600, est liée par cette date même à deux noms qu’on est accoutumé à bénir et respecter, puisqu’en 1600 Henri IV régnait, et que le duc de Sully administrait les finances. Mais le désordre dans le recouvrement des impositions était si extrême lorsque ce département fut confié à cet

  1. On voit, par cette Instruction même, combien les privilèges en matière d’impositions étaient affligeants et mettaient d’obstacles à la juste répartition des charges publiques. Mais c’était beaucoup en ce temps-là que de se rapprocher un peu de l’équité sur ce point important. (Note de Dupont de Nemours.)