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qu’elle y fût arrivée, l’ancienne en aurait consommé une grande partie. Si, pour prévenir cet inconvénient, la nouvelle compagnie dirige ses fouilles de façon à rencontrer le cours du filon dans un point éloigné du lieu où sont déjà parvenus les mineurs de l’ancienne, alors elle court tous les risques qu’entraîne l’incertitude et l’irrégularité de la marche des liions, elle redouble par conséquent ses désavantages. Ceux qui connaissent la peine qu’on a souvent à retrouver les traces des mines qu’on sait avoir été anciennement travaillées, et dont les galeries sont encore ouvertes, sentiront combien cette nouvelle compagnie agirait imprudemment, et combien l’ancienne conserverait d’avantages sur elle.

Si l’ancienne est tellement épuisée par ses dépenses, qu’elle ne soit plus en état de continuer son exploitation, ni par ses propres forces, ni par son crédit, à quoi lui servirait un privilège dont elle ne peut faire usage ? La nouvelle compagnie, bien loin de lui nuire, lui rendrait service en achetant la propriété de tous ses établissements et de tous ses ouvrages souterrains.

L’ancienne, bien loin d’avoir à se plaindre de la liberté générale, y gagnerait ; car les compagnies n’ayant besoin d’aucune concession pour se former, il s’en présenterait plusieurs pour cet achat, et aucune ne lui ferait la loi.

À quelque prix que cette concurrence fît monter la vente des ouvrages et des établissements de celle-ci, jamais la dépense de leur acquisition ne serait comparable aux frais qu’entraîneraient de nouvelles fouilles ; et la seconde compagnie aurait toujours le plus grand intérêt à s’accommoder avec la première.

Il est vrai que, dans le cas où les premiers entrepreneurs auraient si mal dirigé leurs travaux, qu’il serait plus profitable de faire de nouvelles fouilles que de se servir des leurs, une nouvelle compagnie pourrait entreprendre de nouveau l’exploitation de Ja mine sans s’accommoder avec eux, et qu’ils perdraient toutes leurs dépenses ; mais c’est là un danger dont l’État n’a pas dû les garantir, et dont le privilège exclusif ne les sauverait pas ; car ils ne pourraient profiter de ce privilège qu’en faisant précisément ce que ferait une nouvelle compagnie, c’est-à-dire en recommençant sur nouveaux frais. Mais, que ce soit eux ou d’autres qui commencent une nouvelle fouille, la dépense de la première est également perdue pour eux.