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ces propriétaires auraient cédé leurs droits, peuvent en ouvrant la terre de leur côté s’emparer des richesses qu’elle renferme, et s’approprier sans risque le fruit de tant de travaux et de dépenses ? Sur quelle assurance l’entrepreneur d’une mine pourra-t-il engager des gens riches à s’associer avec lui et à lui confier leurs fonds ?

Il est donc nécessaire, pour qu’un homme puisse entreprendre la recherche et l’exploitation d’une mine, que l’État lui en assure la possession sans trouble, ce qui ne peut se faire qu’en lui accordant, exclusivement à tout autre, la concession de toutes les mines qui se trouvent aux environs du lieu où il se propose de fouiller, dans une étendue assez grande pour qu’il puisse être indemnisé de ses frais et trouver un profit suffisant. Or, l’État ne peut faire cette concession s’il n’a pas, à l’exclusion des propriétaires de la superficie, la propriété des matières souterraines. La loi qui la lui donne est nécessaire, parce que sans elle les mines les plus riches demeureront à jamais des trésors enfouis et perdus pour l’État. Cette loi n’a rien d’injuste, car elle n’ôte au propriétaire de la superficie qu’un droit inutile, et qui ne peut lui servir à empêcher un autre de mettre en valeur des richesses dont lui-même ne profite pas.

Sacrifier à ces prétendus droits toutes les richesses que le travail des mines peut procurer au royaume, ce serait sacrifier à un intérêt chimérique, et de nulle valeur pour un particulier, un intérêt très-réel et très-considérable pour l’État. Quand il s’agirait de la valeur même du fonds où l’on doit creuser, c’est-à-dire de quelques arpents de terre, elle ne pourrait être comparée aux dépenses immenses de l’exploitation d’une mine, ni par conséquent aux produits, qui dans toute entreprise doivent toujours faire rentrer les dépenses avec un profit proportionné. On ne devrait pas même craindre d’obliger le propriétaire à céder son fonds, s’il le fallait, en obligeant l’entrepreneur à lui en payer la valeur.

§ VI. Seconde objection contre la liberté. Nécessité d’obliger les propriétaires de la superficie de consentir, moyennant un dédommagement, aux ouvertures dont les mines ont besoin pour continuer leur exploitation. — Ce serait bien en vain que l’État donnerait à un entrepreneur de mines la concession de toutes celles qui se trouvent dans un certain arrondissement, si le propriétaire de la surface n’était pas forcé par une loi de permettre, dans son terrain, les ouvertures nécessaires pour l’exploitation de ces mines. Il est indispensa-