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les art. 46 et 49 du mandement des tailles et l’avis contenu dans cette lettre, qui puisse arrêter le cours de cette source de vexations.

Un autre avis qu’il me paraît encore fort utile de donner aux habitants des campagnes, concerne les erreurs qui peuvent s’être glissées dans la formation de leurs cotes de taille, et la manière dont ils doivent s’y prendre pour les faire réformer, et obtenir des rejets en conséquence. Il arrive souvent qu’ils demandent conseil à un procureur, qui les engage à se pourvoir à l’élection, et qu’ils dépensent beaucoup d’argent pour obtenir une justice qu’ils pouvaient obtenir sans qu’il leur en eut rien coûté. Il n’y a pas longtemps qu’un curé ayant affermé les dîmes de sa cure, son fermier fut taxé en conséquence dans les rôles. Quelque temps après, le curé étant décédé, son successeur lit lever les dîmes à sa main ; mais, le commissaire n’ayant pas été averti sur-le-champ de ce changement, continua de taxer le fermier au rôle suivant. Il suffisait que le curé m’écrivît, ou seulement avertît le commissaire de cette erreur ; elle eût été corrigée sans difficulté, et le rejet ordonné. Au lieu de prendre cette voie simple, on a fait assigner à l’élection les collecteurs, qui n’avaient aucune part au rôle, et qui, aussi mal conseillés que le curé, ont soutenu le procès. Il s’agissait d’une cote de 36 liv. de toutes impositions, il y a eu 221 liv. 3 s. 9 d. de frais inutiles, puisqu’on aurait eu la même justice pour rien. Il est encore nécessaire que les habitants de la campagne sachent que, même dans le cas où ils se pourvoient à l’élection pour former opposition à leurs cotes, cette opposition doit être formée par simple mémoire, et même, si l’on veut, sans ministère de procureur ; que ce mémoire doit être remis au procureur du roi de l’élection, et qu’il y doit être statué sans frais. Ce sont les dispositions précises des art. VI et VII de la déclaration du 13 avril 1761 ; mais, comme la plus grande partie de ceux qui veulent se pourvoir à l’élection les ignorent, il est très-facile aux procureurs d’abuser de cette ignorance pour éluder les dispositions de la loi, en faisant assigner les collecteurs dans les formes ordinaires beaucoup plus longues et plus dispendieuses.

Vous rendrez un vrai service à vos paroissiens si vous prenez soin de les instruire des moyens qu’ils ont de se faire rendre justice à moins de frais.

Je vous ai prié, en 1767[1], de répandre parmi eux la connais-

  1. Nous n’avons pas cette lettre de l’année 1767. (Note de Dupont de Nemours.)