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LETTRES CIRCULAIRES

AUX CURÉS DE LA GÉNÉRALITÉ DE LIMOGES,

POUR LEUR DEMANDER LEUR CONCOURS DANS DIVERSES
OPÉRATIONS ADMINISTRATIVES[1].


première lettre. — Paris, le 3 mai 1762.

Personne, monsieur, n’est plus à portée que MM. les curés, par leur état, par l’éducation distinguée que cet état exige, et par la confiance que leur ministère inspire au peuple, de bien connaître sa situation et les moyens de la rendre meilleure. Comme l’administration ne doit pas avoir un autre but, il est certain qu’ils pourraient lui fournir bien des secours et des lumières très-précieuses. Ils pourraient aussi rendre de grands services aux sciences, aux arts, au commerce, et surtout à l’agriculture, puisqu’ils sont seuls à portée de faire une foule d’observations qui échappent nécessairement aux habitants des villes : il ne s’agirait que de prendre la peine d’informer ou les personnes chargées de l’administration, ou les corps qui cultivent les sciences, des faits intéressants que le hasard leur présenterait. Les instructions qu’ils pourraient donner aux paysans, en leur communiquant les découvertes et les nouvelles pratiques dont l’utilité aurait été éprouvée, seraient encore très-avantageuses aux progrès de la science économique.

Persuadé que leur zèle embrasse tout ce qui peut tendre au bien

  1. Trop véritablement philosophe pour rendre le christianisme responsable des mauvaises passions d’une partie du clergé, et pour envelopper tous ses membres dans cette haine systématique que leur portait l’école de Voltaire, Turgot avait, au contraire, pris à tâche d’honorer les curés de campagne et de tirer parti de leurs lumières pour faciliter son administration.

    « Il les regardait, dit Dupont de Nemours, comme ses subdélégués naturels, et assurait qu’on était trop heureux d’avoir, dans chaque paroisse, un homme qui eût reçu quelque éducation, et dont les fonctions dussent, par elles-mêmes, lui inspirer des idées de justice et de charité. »

    Aussi entretenait-il avec eux la correspondance la plus active, dont il ne reste, toutefois, d’autres monuments que les Circulaires données ici, et celle comprise dans la série des Travaux relatifs à la disette de 1770. Les autres pièces, au rapport de Dupont de Nemours, ont disparu des archives de l’intendance lors de la révolution. (E. D.)