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qu’elles peuvent désirer, sans en avertir le public. Il n’est pas question ici d’examiner s’il est avantageux de donner à des tribunaux beaucoup d’autorité en matière d’impositions, et si le peuple y gagnera ; c’est ce que nous aurons plus d’une occasion de discuter dans la suite.

Article I. Avons abonné et abonnons en laveur de chacune des généralités de notre royaume les deux vingtièmes et les 2 sous pour livre du dixième, tant sur les fonds que sur l’industrie, à la somme à laquelle a monté le total des rôles déclarés exécutoires en l’année 1763 pour toutes les villes, villages, corps et communautés situés dans l’étendue de chacune desdites généralités ; à la déduction néanmoins d’un des deux vingtièmes sur les rôles d’industrie dont nous faisons dès à présent remise à nos peuples, en attendant que nous puissions leur procurer des soulagements plus considérables.

Observations. — La clause apposée par les cours à l’enregistrement de la déclaration du 21 novembre 1765, a forcé l’abonnement du vingtième des fonds à une somme fixe ; et c’est certainement une très-bonne opération, qu’on aurait dû faire même sans y être forcé.

La suppression totale du vingtième d’industrie serait une opération aussi très-bonne en elle-même, et qui me paraît également devenue nécessaire[1].

Par la clause relative au vingtième des fonds, il pourrait subsister sans autre inconvénient que d’être inégalement réparti d’une généralité à l’autre, parce que dans l’intérieur de chaque généralité, ce vingtième étant réel, lorsqu’un homme aura cessé d’être taxé pour un héritage qu’il aura vendu, l’on retrouvera l’imposition sur la cote de l’acquéreur, qui sera d’autant augmentée.

Le sens judaïquement littéral de la clause pourrait être contraire à cette augmentation, mais c’en est certainement l’esprit.

Il n’en est pas de même du vingtième d’industrie. Lorsqu’un homme quitte le commerce, il n’y a aucun prétexte pour transporter son imposition sur un autre. Les nouvelles cotes, les augmentations sur les anciennes, sont exclues par la clause de l’enregistrement. Le vingtième d’industrie diminuerait donc d’année en année, et s’anéantirait enfin totalement.

Je conviens que le nouvel édit remet le vingtième d’industrie à une somme fixe qui doit être répartie sur tous les contribuables à cette imposition ; mais cette répartition aura toujours un vice irrémédiable : c’est d’être extrêmement inégale, et arbitraire à mille égards. Dans la première origine de cette imposition, elle s’étendait sur tous ceux qui faisaient quelque espèce de commerce dans les villes et dans les campagnes ; et comme il est physique-

  1. L’analogue du vingtième d’industrie existe actuellement dans la contribution des patentes. Mais le fisc de notre époque lire de cette dernière plus de 44 millions, tandis que, vers 1786, le vingtième d’industrie, dans les vingt généralités d’élection elles quatre de provinces cédées ou conquises, ne rapportait que 1 million 158,400 livres au gouvernement. — Voyez Bailly, Histoire financière de la France, tome II, page 308. (E. D.)