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compris le prix du travail et de l’industrie de l’entrepreneur de culture, l’intérêt de toutes ses avances et le remboursement de toutes ses dépenses ; par conséquent c’est toujours le propriétaire qui supporte l’impôt, lors même qu’il est demandé au cultivateur.

Il n’est pas moins évident que l’effet immédiat de tout impôt sur les consommations est de renchérir la denrée, pour les consommateurs, de la totalité de l’impôt ; si le renchérissement était moins considérable, ce serait parce que les moyens de payer n’étant pas augmentés pour les consommateurs, ils seraient forcés de consommer moins, ce qui modifierait le premier effet immédiat de l’impôt.

Les propriétaires payent le renchérissement de toutes les denrées qu’ils consomment par eux-mêmes ou par leurs salariés : ils payent encore le renchérissement de tout ce que consomment les cultivateurs et leurs salariés, puisque ce renchérissement grossit d’autant les frais de la culture, que le cultivateur se réserve toujours sur les fruits de la terre, avant de fixer la part qu’il rend au propriétaire, ou le revenu de celui-ci.

Ceux qui composent les autres classes de la société, les artisans, les commerçants, les capitalistes ou possesseurs d’argent, n’ont pour subvenir à toutes leurs dépenses que ce qu’ils reçoivent pour prix de leur travail et de leur industrie, et le produit ou l’intérêt de l’argent employé par eux, ou par ceux à qui ils le prêtent, dans les entreprises de tout genre. Si leurs dépenses sont augmentées par le renchérissement des choses qu’ils consomment, occasionné par l’impôt, il faut que leurs salaires et leurs profits de toute espèce augmentent en même raison ; or, il ne peut augmenter qu’aux dépens des propriétaires et des cultivateurs, qui payent en dernière analyse tous les salaires et les profits du commerce.

En effet, il n’entre dans le commerce que deux choses, les productions de la terre et le travail. Le prix du travail comprend la subsistance et les jouissances de l’homme laborieux ; elles sont toutes en consommations des productions de la terre, plus ou moins élaborées par un autre travail, lequel a été payé lui-même en fournitures et consommations d’autres productions. Le travail est toujours payé par les productions de la terre. Un ouvrier qui en paye un autre ne fait que partager avec celui-ci ce que lui-même a reçu. C’est donc la terre qui paye tout. Elle salarie immédiatement le cultivateur en fournissant à ses besoins. Elle donne au propriétaire un revenu, non