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son calcul pour savoir ce qu’il doit abandonner au propriétaire, et ce n’est que sur cette part abandonnée au propriétaire que l’impôt peut et doit être assis.

Proposer, pour remédier à ces inconvénients, de cadastrer la dîme, et de demander moins au terrain qui produit moins à proportion des frais, ce serait se jeter dans un embarras plus grand que celui d’évaluer les revenus en argent ; parce qu’au moins pour cette opération on a la ressource des baux et des contrats de vente, au lieu qu’on ne l’a pas pour l’évaluation des frais de culture, à laquelle on ne peut parvenir que par une analyse de la culture, impossible à tout autre qu’un cultivateur qui sache les bien calculer. Les fermiers la calculent à peu près, et s’en approchent par tâtonnement.

La dîme serait un impôt excessif dans certains pays ; mais il s’en faudrait beaucoup qu’elle suffît aux besoins publics, à moins d’être extrêmement forcée, ce qui la rendrait plus inégale, encore plus destructive de la culture, et par conséquent d’elle-même, sur les terres de qualité inférieure.

Si l’on suppose que le clergé n’ait d’autre revenu que la dîme (en compensant ses autres biens avec les dîmes inféodées et autres qu’il ne possède pas), la totalité de la dîme, levée il est vrai à une multitude de taux différents, ne va pas beaucoup au delà de soixante millions ; et je ne crois pas le clergé beaucoup plus riche[1].

  1. Le revenu de la dîme, calculé depuis avec beaucoup de soin, a été évalué à 100 millions net, qui en coûtaient 20 de perception. C’était donc une charge de 120 millions. Le revenu des biens-fonds et des droits seigneuriaux du clergé excédait 60 millions. — M. Turgot ne faisait ici qu’un projet de Mémoire, dans lequel l’exactitude des principes l’occupait bien plus que la précision des données. (Note de Dupont de Nemours.)

    — Le produit de la dime a été porté à 135 millions, les frais de perception compris, par le comité des contributions publiques de l’Assemblée Constituante. Dans ce calcul entrent pour 10 millions les dîmes inféodées, qui appartenaient à des laïques.

    On trouve dans une brochure publiée en 1788, sous le titre de Lettre du cardinal de Fleury au conseil de Louis XVI, que le clergé possédait en 1655, d’après un dénombrement de ses biens fourni par lui-même, 9,000 châteaux, 250,000 métairies ou fermes, 173,000 arpents de vignes, plus les cens annuels, droits seigneuriaux et dîmes, et indépendamment des bois, moulins, tuileries, forges, fours banaux, pressoirs et autres possessions que les gens de mainmorte faisaient valoir par eux-mêmes. Le revenu annuel de tous ces biens est évalué 412 millions de livres, à quoi l’auteur ajoute 200 millions pour l’accroissement postérieur à 1655. Quoique l’exagération soit extrême, elle ne l’est peut-être pas autant qu’on serait