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III. Si le commerce est encouragé, si le nombre des marchands et des manufacturiers augmente, si toutes les chaînes et les entraves qu’on a données au commerce sont un jour brisées, si la circulation devient par là plus vive et les débouchés plus assurés, où les profits qui en doivent résulter iront-ils enfin se rendre ? N’est-ce pas dans la main du propriétaire des terres ?

IV. Lorsque les gentilshommes qui possèdent des terres se laissent entraîner à exclure les étrangers et à imposer des charges au commerce, n’agissent-ils pas contre leur propre intérêt ? Ne sont-ils pas dupes de ces monopoleurs qui osent mettre un vil intérêt personnel en balance avec l’intérêt public ?

Section XII. — Situation des étrangers qui ont de l’argent dans nos fonds publics, et des commerçants et artisans riches qui vivent dans certains pays de l’Europe.

I. Le travail étant incontestablement la richesse d’un pays, quelle espèce d’habitants produit le plus de travail ? ceux qui ne peuvent se procurer qu’un petit nombre de choses de commodité ou d’agrément, ou ceux qui sont assez riches pour en payer beaucoup ? Si ce sont les derniers, n’est-ce pas l’intérêt de la nation d’inviter tous les étrangers qui ont de l’argent dans nos fonds publics, à le venir dépenser parmi nous ?

II. S’il y a dans nos fonds publics entre 15 et 20 millions sterling dus à l’étranger, ne doit-on pas regarder les biens de chaque particulier comme engagés au payement de cette somme ? En ce cas, n’est-ce pas l’intérêt de l’emprunteur d’inviter et d’engager le prêteur à résider chez lui, à acheter tout ce dont il a besoin des laboureurs et des ouvriers de son pays, et à lui payer ainsi une sorte de rente qui le dédommage de l’engagement d’une partie de ses fonds ? Le prêteur doit-il donc solliciter comme une grande faveur et acheter à prix d’argent la permission de dépenser sur les terres de l’emprunteur l’intérêt de l’argent emprunté ?

III. Ne peut-on pas citer des exemples récents d’étrangers qui, après avoir pourvu à la sûreté de leur argent en le plaçant dans nos fonds publics, ont cependant préféré de vivre hors de l’Angleterre à cause de l’aversion que les Anglais ont pour les étrangers ?

IV. N’y a-t-il pas des pays dans l’Europe où les négociants et les artisans sont traités avec le plus grand mépris, sans autre motif que leur profession ? N’y en a-t-il pas où ils n’osent paraître riches