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cuivre, de laiton, d’étain[1], de plomb, etc., que nous ne faisons aujourd’hui ? Et si l’on peut jamais craindre de manquer de matières à mettre en œuvre aussi longtemps qu’on pourra en augmenter la production au dedans ou l’importation du dehors ?

II. S’il y a dans le fait un seul pays dans lequel la terre ou le commerce laisse manquer la matière au travail, quand l’activité et l’industrie ne manquent pas aux habitants ?

III. S’il n’y a pas de trop bonnes raisons à donner du manque d’occupation de quelques hommes, sans recourir à la supposition du défaut de matières ?

Section IV. — Sur les causes du manque d’emploi des hommes.

I. S’il n’y a pas une circulation du travail comme une circulation de l’argent, et si la circulation de l’argent sans travail n’est pas plus préjudiciable qu’utile à la société, comme les loteries et le

    turneps est à peine connue dans la principauté de Galles, et n’est que très-peu en usage dans plusieurs comtés d’Angleterre, en sorte que les habitants sont obligés de vendre au dehors les moutons dont leurs troupeaux s’augmentent chaque année, de peur d’être obligés de faire de trop grandes provisions de fourrage pour l’hiver ;

    2o Que les Français embarquent de Bilbao tous les ans environ douze mille sacs de laine fine, indépendamment de la quantité immense de laine plus grossière que la Provence et le Languedoc reçoivent de la Catalogne et du midi de l’Espagne, pendant que les Anglais n’en reçoivent pas en tout cinq mille sacs. Outre cela, les Français tirent des laines d’Afrique, de Turquie, des Pays-Bas autrichiens et de la Pologne : marchés qui seraient ouverts aux Anglais comme aux Français, si notre commerce devenait assez étendu pour cela.

    3o Si par le moyen d’un commerce libre et étendu, nous pouvions, en échange de notre poisson et de nos manufactures, nous procurer une plus grande importation de soie crue, de coton, de lin, etc., pour les porter et les travailler dans notre pays même, ce serait la même chose pour ce royaume que si la production de nos laines augmentait réellement, parce que ce serait un moyen d’en réserver une plus grande quantité pour l’employer à de nouvelles sortes d’ouvrages.

    4o Si les raisonnements sur lesquels s’appuient nos faiseurs d’objections étaient fondés, il s’ensuivrait que les Français devraient congédier au moins les trois quarts de leurs ouvriers en laine, puisque ce pays produit à peine assez de laines pour le quart des ouvriers qui l’emploient aujourd’hui. Les Anglais devraient aussi chasser tous leurs manufacturiers en soie, puisque l’Angleterre ne produit point du tout de soie crue. Telles sont les conséquences nécessaires d’un pareil principe. (Note de l’auteur.)

  1. Un droit plus fort sur l’exportation de l’étain brut, et un encouragement suffisant pour l’exportation de l’étain travaillé, procureraient un emploi sur à des milliers de pauvres ; par là nous tirerions tout le profit possible de ce métal, d’autant plus précieux qu’il est presque entièrement dans nos mains. (Note de l’auteur.)