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QUESTIONS SUR LA CHINE,
ADRESSÉES
À MM. KO ET YANG[1].


RICHESSES. — DISTRIBUTION DES TERRES. — CULTURE.

I. Y a-t-il à la Chine beaucoup de gens riches, ou, ce qui est la même chose, les fortunes y sont-elles fort inégales ?

II. Y a-t-il beaucoup de gens qui possèdent une très-grande quantité de terres, de maisons, de domaines ?

III. Y a-t-il beaucoup d’entrepreneurs qui aient de gros fonds, qui fassent travailler un grand nombre d’ouvriers, et qui fassent fabriquer une très-grande quantité de marchandises ?

IV. Y a-t-il beaucoup de négociants qui aient des fonds considérables, et qui fassent des entreprises de commerce ?

Observations. — Il y a certainement beaucoup d’entreprises de manufactures et de commerce qui ne peuvent s’exécuter sans des fonds d’avances très-considérables. Par exemple, il faut de très-gros fonds pour armer et charger un vaisseau ; mais il n’est pas absolument nécessaire que tous ces fonds appartiennent à la même personne ; plusieurs peuvent s’associer pour faire les dépenses en commun et partager les profits à proportion de la mise de chacun. Il est donc possible qu’il y ait dans un pays beaucoup d’industrie et de commerce sans qu’il y ait de grandes fortunes, ou une excessive inégalité dans les fortunes.

  1. MM. Ko et Yang étaient, à ce que rapporte Dupont de Nemours, deux jeunes Chinois de beaucoup d’esprit, que les jésuites avaient envoyés faire leurs études en France. Ils retournèrent dans leur patrie avec une pension du gouvernement, payée dans le but d’entretenir avec eux des relations scientifiques et littéraires. C’est alors que, pour seconder ce projet, Turgot, avide de tous les genres d’instruction, rédigea non-seulement les Questions qu’on va lire et les Observations qui les accompagnent, mais encore les Réflexions sur la formation et la distribution de la richesse, destinées à mettre ces jeunes gens en état d’y mieux répondre. Il leur donna en outre, à ses propres frais, beaucoup d’instruments et de livres. — Ainsi, M. Abel Rémusat s’est trompé lorsqu’il affirme, dans ses Nouveaux mélanges asiatiques (tome I, page 258), qu’il n’était venu que deux Chinois en France avant la révolution de 1789, dont l’un, nommé Michel Chin-fo-tsoung, natif de Nankin, aurait été amené par le père Couplet en 1687, et l’autre, arrivé trente ans plus tard, appelé Hoang, et surnommé Arcadius, se serait marié et serait mort à Paris en 1716. (E. D.)