Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/427

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

FONDATION.

Les mots fonder, fondation, s’appliquent à tout établissement durable et permanent, par une métaphore bien naturelle, puisque le nom même d’établissement est appuyé précisément sur la même métaphore.

Dans ce sens, on dit : la fondation d’un empire, d’une république. Mais nous ne parlerons point, dans cet article, de ces grands objets : ce que nous pourrions en dire tient aux principes primitifs du droit politique, à la première institution des gouvernements parmi les hommes.

On dit aussi : fonder une secte. Enfin on dit : fonder une académie, un collège, un hôpital, un couvent, des messes, des prix à distribuer, des jeux publics, etc. Fonder dans ce sens, c’est assigner un fonds ou une somme d’argent pour être employée à perpétuité à remplir l’objet que le fondateur s’est proposé, soit que cet objet regarde le culte divin ou l’utilité publique, soit qu’il se borne à satisfaire la vanité du fondateur, motif souvent l’unique véritable, lors même que les deux autres lui servent de voile.

Les formalités nécessaires pour transporter, à des personnes chargées de remplir les intentions du fondateur, la propriété ou l’usage des fonds que celui-ci y a destinés ; les précautions à prendre pour assurer l’exécution perpétuelle de l’engagement contracté par ces personnes ; les dédommagements dus à ceux que ce transport de propriété peut intéresser, comme par exemple au suzerain, privé pour jamais des droits qu’il percevait à chaque mutation de propriétaire sur le fonds donné ; les bornes que la politique a sagement voulu mettre à l’excessive multiplication de ces libéralités indiscrètes ; enfin différentes circonstances essentielles ou accessoires aux fondations, ont donné lieu à différentes lois, dont le détail n’appartient point à cet article, et sur lesquelles nous renvoyons aux articles Fondation (jurisprudence), Mainmorte, Amortissement.

Notre but n’est, dans celui-ci, que d’examiner l’utilité des fondations en général par rapport au bien public, ou plutôt d’en montrer les inconvénients : puissent les considérations suivantes concourir, avec l’esprit philosophique du siècle, à dégoûter des fondations nouvelles et à détruire un reste de respect superstitieux pour les anciennes !