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annuellement tributaires des étrangers par les gros intérêts que nous leur payons des fonds qu’ils nous prêtent ; qui enfin condamnent à rester incultes toutes les terres dont les frais de défrichement ne rapporteraient pas plus de 5 pour 100, puisque avec le même capital on peut, sans travail, se procurer le même revenu. — Mais il croyait aussi que le commerce des capitaux, dont le prix est l’intérêt de l’argent, ne peut être amené à régler ce prix équitablement, avec toute l’économie nécessaire, que, comme tous les autres commerces, par la concurrence et la liberté réciproque, et que le gouvernement ne saurait y influer utilement qu’en s’abstenant, d’une part, de prononcer des lois dans les cas où les conventions peuvent y suppléer ; et, d’une autre part, en évitant de grossir le nombre des débiteurs et des demandeurs de capitaux, soit en empruntant lui-même, soit en ne payant pas avec exactitude[1].

Un autre genre d’obstacles aux progrès de l’industrie dont M. de Gournay pensait qu’il était essentiel de la délivrer au plus tôt, était cette multitude de taxes que la nécessité de subvenir aux besoins de l’État a fait imposer sur tous les genres de travail, et que les embarras de la perception rendent quelquefois encore plus onéreuses que la taxe elle-même ; l’arbitraire de la taille, la multiplicité des droits sur chaque espèce de marchandises, la variété des tarifs, l’inégalité de ces droits dans les différentes provinces, les bureaux sans nombre établis aux frontières de ces provinces, la multiplication des visites, l’importunité des recherches nécessaires pour aller au-devant des fraudes, la nécessité de s’en rapporter, pour constater ces fraudes, au témoignage solitaire d’hommes intéressés et d’un état avili ; les contestations interminables, si funestes au commerce, qu’il n’est presque pas de négociant qui ne préfère, en ce genre, un accommodement désavantageux au procès le plus évidemment juste ; enfin l’obscurité et le mystère impénétrable résultant de cette multiplicité de droits locaux et de lois publiées en différents temps, obscurité dont l’abus est toujours en faveur de la finance contre le commerce ; les droits excessifs, les maux de la contrebande, la perte d’une foule de citoyens qu’elle entraîne, etc., etc., etc.

La finance est nécessaire, puisque l’État a besoin de revenus ;

  1. Si cette proposition est vraie, et il nous semble difficile d’en contester l’exactitude, on peut juger de l’influence qu’ont exercée sur l’intérêt de l’argent les emprunts publics opérés depuis un demi-siècle. (E. D.)