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à s’occuper de la science du commerce sous le premier de ces deux points de vue, l’étendue et la pénétration de son esprit ne lui permettaient pas de s’y borner.

Aux lumières qu’il tirait de sa propre expérience et de ses réflexions, il joignit la lecture des meilleurs ouvrages que possèdent sur cette matière les différentes nations de l’Europe et en particulier la nation anglaise, la plus riche de toutes en ce genre, et dont il s’était rendu pour cette raison la langue familière. — Les ouvrages qu’il lut avec plus de plaisir et dont il goûta le plus la doctrine, furent les Traités du fameux Josias Child, qu’il a traduits depuis en français, et les Mémoires du grand-pensionnaire Jean de Witt. On sait que ces deux grands hommes sont considérés, l’un en Angleterre, l’autre en Hollande, comme les législateurs du commerce ; que leurs principes sont devenus les principes nationaux, et que l’observation de ces principes est regardée comme une des sources de la prodigieuse supériorité que ces deux nations ont acquise dans le commerce sur toutes les autres puissances. M. Vincent trouvait sans cesse dans la pratique d’un commerce étendu la vérification de ces principes simples et lumineux ; il se les rendait propres sans prévoir qu’il était destiné à en répandre un jour la lumière en France, et à mériter de sa patrie le même tribut de reconnaissance que l’Angleterre et la Hollande rendent à la mémoire de ces deux bienfaiteurs de leur nation et de l’humanité. Les talents et les connaissances de M. Vincent, joints à la plus parfaite probité, lui assurèrent l’estime et la confiance de cette foule de négociants que le commerce rassemble à Cadix de toutes les parties de l’Europe, en même temps que l’aménité de ses mœurs lui conciliait leur amitié. Il y jouit bientôt d’une considération au-dessus de son âge, dont les naturels du pays, ses propres compatriotes et les étrangers s’empressaient également de lui donner des marques.

Pendant son séjour à Cadix il avait fait plusieurs voyages soit à la cour d’Espagne, soit dans les différentes provinces de ce royaume.

En 1744, quelques entreprises de commerce, qui devaient être concertées avec le gouvernement, le ramenèrent en France et le mirent en relation avec M. le comte de Maurepas, alors ministre de la marine, qui pénétra bientôt tout ce qu’il valait.

M. Vincent, après avoir quitté l’Espagne, prit la résolution d’em-