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de pur agrément ; mais ce fut surtout à la science du commerce qu’ils s’attacha et vers elle qu’il dirigea toute la vigueur de son esprit. — Comparer entre elles les productions de la nature et des arts dans les différents climats ; connaître la valeur de ces différentes productions, ou en d’autres termes leur rapport avec les besoins et les richesses des nationaux et des étrangers ; les frais de transport variés suivant la nature des denrées et la diversité des routes, les impôts multipliés auxquels elles sont assujetties, etc., etc. ; en un mot embrasser dans toute son étendue et suivre dans ses révolutions continuelles l’état des productions naturelles, de l’industrie, de la population, des richesses, des finances, des besoins et des caprices mêmes de la mode chez toutes les nations que le commerce réunit, pour appuyer sur l’étude approfondie de tous ces détails des spéculations lucratives, c’est s’occuper de la science du négoce en négociant, ce n’est encore qu’une partie de la science du commerce. Mais découvrir les causes et les effets de cette multitude de révolutions et de leurs variations continuelles ; remonter aux ressorts simples dont l’action, toujours combinée et quelquefois déguisée par les circonstances locales, dirige toutes les opérations du commerce ; reconnaître ces lois uniques et primitives, fondées sur la nature même, par lesquelles toutes les valeurs existant dans le commerce se balancent entre elles et se fixent à une valeur déterminée, comme les corps abandonnés à leur propre pesanteur s’arrangent d’eux-mêmes suivant l’ordre de leur gravité spécifique ; saisir ces rapports compliqués par lesquels le commerce s’enchaîne avec toutes les branches de l’économie politique ; apercevoir la dépendance réciproque du commerce et de l’agriculture, l’influence de l’un et de l’autre sur les richesses, sur la population et sur la force des États, leur liaison intime avec les lois et les mœurs et toutes les opérations du gouvernement, surtout avec la dispensation des finances ; peser les secours que le commerce reçoit de la marine militaire et ceux qu’il lui rend, les changements qu’il produit dans les intérêts respectifs des États et le poids qu’il met dans la balance politique ; enfin démêler, dans les hasards des événements et dans les principes d’administration adoptés par les différentes nations de l’Europe, les véritables causes de leurs progrès ou de leur décadence dans le commerce, c’est l’envisager en philosophe et en homme d’État.

Si la situation actuelle où se trouvait M. Vincent le déterminait