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grossir les avances de la culture, doivent, suivant le cours actuel des choses, augmenter la production dans une proportion beaucoup plus grande que l’intérêt de ces nouvelles avances. Sans doute que le cultivateur se prêtera dans la suite à céder au propriétaire sa part dans ce surcroît de profit ; mais ce ne sera toujours qu’après en avoir profité en entier jusqu’à l’expiration de son bail : le raisonnement que j’ai fait sur le premier profit résultant immédiatement de la liberté est applicable au second profit, et encore à celui qui résultera de cette seconde augmentation de richesse. De là résulte une augmentation progressive dans la richesse des cultivateurs, dans les avances de la culture, dans la somme des productions et des valeurs recueillies annuellement de la terre. Cette progression sera plus ou moins rapide ; mais si les débouchés maintiennent la continuité du débit, soit par une exportation habituelle, soit par un accroissement de population, elle n’aura d’autres bornes que les bornes physiques de la fécondité des terres.

Comparez à ce tableau, monsieur, celui de la dégradation progressive en sens contraire qui résultera de la diminution des valeurs du produit des terres et de l’appauvrissement des cultivateurs. Quand il serait vrai que le fermier rendît au propriétaire la totalité de son gain, toujours serait-il indubitable que cette augmentation de fermage serait tout à la fois la preuve et l’effet de l’aisance du cultivateur ; que par conséquent ce nouvel état de choses se serait opéré par cette aisance. La diminution du prix des fermages, au contraire, serait l’effet de la misère du fermier ; celui-ci passerait par la détresse avant de faire une nouvelle convention moins avantageuse avec son propriétaire. Or, certainement, il n’est point égal que les cultivateurs en général soient dans l’aisance ou dans la détresse.

Il est bon de considérer un peu ce que le cultivateur perdrait par la diminution du prix moyen de ses ventes, suite infaillible de la cessation de la liberté. Ceux qui ont déjà augmenté leurs baux perdraient d’abord la somme annuelle qu’ils doivent donner à leurs propriétaires jusqu’à l’expiration de ces baux, et comme la recette annuelle sur laquelle ils avaient calculé serait diminuée, ils ne pourraient payer qu’en entamant chaque année leurs capitaux ou les avances de leur culture, en vendant leurs bestiaux, en économisant sur les fumiers, etc. Ce n’est pas tout : ces fermiers, avant d’augmenter leurs baux, et encore plus ceux qui ne les ont pas