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l’intérêt des cultivateurs et des consommateurs. Je tâcherai de vous l’envoyer de Limoges. Je vous réitère toutes mes excuses de mes longueurs, de mes répétitions et des expressions peut-être trop fortes que ma conviction me dicte et que mon peu de loisir ne me permet pas de mesurer. Je suis, etc.


SIXIÈME LETTRE, DU MÊME AU MÊME.

À Angoulême, le 27 novembre 1770.

Monsieur, j’ai discuté dans la dernière lettre que j’ai eu l’honneur de vous écrire de Saint-Angel, le 14 de ce mois, sur le commerce des grains, la première branche d’un raisonnement que vous m’aviez fait sur la diversité des intérêts du propriétaire, du cultivateur et du consommateur, relativement à la liberté du commerce. Je crois avoir prouvé dans cette lettre, et j’avais déjà établi dans la précédente datée de Bort, que l’augmentation du revenu des propriétaires n’était nullement fondée sur l’augmentation du prix des grains : j’ai montré comment ce revenu pouvait et devait augmenter, quoique le prix moyen des grains diminuât ; et j’ai observé que ces deux effets avaient également eu lieu en Angleterre, où le revenu des propriétaires est prodigieusement augmenté depuis l’encouragement donné à l’exportation, et où cependant le prix moyen des grains est moindre qu’il n’était pendant les quarante années qui ont précédé cette époque.

Je passe à la seconde branche de votre raisonnement : l’intérêt des cultivateurs, que vous croyez être indifférents au système de la liberté, parce que l’avantage qu’ils y trouvent ne peut être que passager, les propriétaires ne manquant pas de se l’approprier à l’expiration du bail par l’augmentation des fermages.

J’observe d’abord, monsieur, que même en supposant que la totalité du gain annuel des cultivateurs résultant de la liberté, fût reversée sur les propriétaires par l’augmentation des fermages à l’expiration des baux, ce n’est pas cependant si peu de chose que le profit que feront les cultivateurs ou les fermiers jusqu’au moment du renouvellement des baux.

Car les baux étant ordinairement de neuf ans, il n’y en a chaque